vendredi 30 juillet 2010

Aventures sur les bords du lac Titicaca

Après Cuzco la trop touristique, notre arrivée à Puno, sur les bords du lac Titicaca, nous a semblé un vrai bonheur d´authenticité. Mais pour commencer, un petit aparté sur la musique dans les transports en commun et dans la vie de tous les jours...

Nous avons pris de nombreux bus de nuit, des colectivos et des taxis, et la musique y est omniprésente. Mais la musique, au Pérou, c´est la musique qui vient du "corazon", qui parle de l´"amor" de la "cariño", qui évoque la difficulté d´être "tan lejos de ti" sans quoi "no sé que siñifica vivir"... Au bout de deux heures, on maîtrise le vocabulaire sentimental et on trouve la déclaration d´amour de Roméo à Juliette bien fade... De nombreuses radios se sont lancées dans le créneau du romantisme, mais quand on est hot, on écoute... Radio Ritmo Romántica - Tu Radio de Baladas. C´est le must pour qui veut connaître les derniers morceaux à la mode, pour qui veut se préparer au karaoké ou pour qui souhaite rédiger sa déclaration d´amour. Nous nous sommes même surpris, parfois, à fredonner un morceau qui passait pour la quatrième fois en une heure... Ce qui nous a le plus étonné, c´est le supra-romantisme des Péruviens dans la musique. Un romantisme démesuré, vu que 99% des chansons que nous avons entendues dans la rue, dans les restaurants, à la TV comprenait au moins un de ces mots ou une de ces expressions (mais géneralement tous dans la même phrase) : "corazon", "amor", "sin ti", "¿solo como vivir?"... Bref, un clic sur le site de Radio Ritmo Romántica, et vous vivrez au rythme musical de notre voyage...
Au premier coup d´oeil, nous avons beaucoup aimé Puno. Une ville plus petite que Cuzco, située à 3800 mètres d´altitude, sur les bords du mythique lac Titicaca. Le tourisme y est moins développé, et on y parle espagnol mais aussi quetchua et d´autres langues pré-espagnoles. On est loin de l´anglais, langue officielle de Cuzco. La ville en tant que telle, n´a rien d´ancestral à offrir, mais elle est simple et reposante. Alors ça nous a fait du bien après la course de la semaine dernière, entre le Machu Picchu et la vallée sacrée des Incas.
Notre premier souhait, ici, était d´aller visiter les îles du lac. Trois d´entre elles sont visitables facilement : Uros, Amantani et Taquile. Et, clou de la visite, on peut dormir chez une famille à Amantani, dans des conditions, selon les guides, mémorables ! En outre, nous avions vu un reportage de Bruno Blanchet sur les îles artificielles d´Uros puis à Amantani (avec les familles), qui nous avait donné envie. Alors on s´est dits qu´on y allait... Nous avons donc réservé 2 billets pour 2 jours sur les îles du lac. Mais, comme nous ne partions que 2 jours plus tard, nous avons décidé d´aller faire un tour sur la lagune de Sillustani, à une heure de Puno.
Sillustani, c´est la pampa, comme dans un film de Sergio Leone... De très vastes étendues plates d´herbes rases et crâmées par le soleil, des lamas et quelques vaches et moutons, des maisons en terre et une vaste lagune. Le tout, sous un soleil bleu azur, c´est fabuleux. Ça a des allures d´Irlande et notre guide, le flamboyant Léo nous en a offert la balade. Visite de ruines incas, de tombes ancestrales, et Léo qui nous contait passionnément l´histoire de ses ancêtres quetchuas et de ses rites. La visite nous obligeait à monter en haut d´une colline perdue au milieu d´une plaine silencieuse. D´un bord, la pampa, et de l´autre la lagune et ses îles surprenantes. Quand nous sommes arrivés au bord de cette lagune, nous en avons été pour un autre "¡Hola cinco!" tant nous étions séduits par ce paysage. Près de trois heures de marche et le soleil a commencé à se coucher. Et quand le soleil se couche, il fait très vite froid ! Nous avons donc continué, vêtus de nos tuques, écharpe et mitaines et Léo nous a emmené visiter une famille qui produisait, comme tant dans le coin, une des 300 variétés de patates péruviennes, du fromage et de l´artisanat "lamanesque" (vêtements en alpaca, poupées en laine de lamas, etc.). Et donc, nous avons revu des lamas de toutes les couleurs et de tous les âges, que nous avons pu manipuler à notre guise. Sillustani nous mettait donc en appétit pour le lendemain...



Dimanche 25 juillet au matin, un bus est venu nous chercher à notre hôtel. Direction le port de Puno et notre premier contact physique avec le lac Titicaca. Nous sommes une quinzaine de touristes à tenter l´aventure de l´immersion insulaire. Et notre guide, pour ces 2 jours n´est autre que... Léo ! "¡Hola cinco!". Notre bateau nous emmène tout d´abord pour les îles artificielles d´Uros. Articifielles, car elles sont construites depuis des siècles par leurs habitants. Ils les font grâce à un savant montage de tourbe, de roseaux et de cordes, qui permet à cet assemblage de flotter et de supporter 3 ou 4 familles dessus. Les îles mesurent près de 60 mètres de long sur une vingtaine de large, et les familles y vivent. Un coin du lac Titicaca, au large de Puno, est occupé par ces nombreuses îles. Léo nous explique leur origine, nous montre comment l´artisanat local s´est développé et nous présente certains de ses habitants. Chacune a un chef, et les îles ont un "alcalde", un maire. Il y a une école publique, une privée, un dispensaire médical... et tout pour satisfaire la curiosité des touristes. Car oui, les îles d´Uros subsistent grâce aux touristes. Elles bénéficient d´un statut fiscal particulier, puisqu´elles ne paient pas d´impôts... mais en échange, le gouvernement ne paie rien pour eux. Et comme elles ont besoin de sous, ce sont les touristes qui sont là pour garnir les portefeuilles. Ainsi, en échange d´une petite propina de quelques soles, une famille nous fait visiter sa minuscule maison de bambou, nous explique comment elle y vit, et nous incite à lui acheter un souvenir. Ensuite, le tour de bâteau, en bambou, "offert" par le village s´avère finalement payant... Les îles flottantes sont surprenantes, mais très touristiques (le flot de touristes ne cesse jamais !)... Oups, ça prenait des allures détestables, mais nous quittons vite pour 3 heures de bâteau en direction d´Amantani, où notre famille d´accueil nous attend. Et là, le show peut commencer...
Peu avant midi, nous arrivons donc à Amantani. Nous débarquons et des femmes nous attendent. Ces "mamas", comme nous les présente Léo, sont nos hôtes. Elles sont toutes vêtues d´un habit traditionnel de l´île (foulard noir, haut multicolore, jupe foncée) et nous attendent. Tour à tour, Léo attribue une mama à des groupes de 2 à 3 touristes. Pour nous, ce sera Cynthia (ça ne fait pas très quetchua comme nom, mais bon, elle s´appelle comme ça... et sa mère, on a crû comprendre qu´elle s´appelait... Fabienne !). Léo nous a donné un papier sur lequel il a écrit quelques mots quetchuas que nous pourrons dire à nos familles. Nous bredouillons donc un "Allin Punchay" ("Bonjour") à Cynthia, puis "Nukaj sutiymin Julie y Guillaume" pour montrer que nous avons appris notre leçon de quetchua. Elle nous répond en espagnol... Ouf ! Donc nous parlerons espagnol avec elle.
Rendus devant chez elle, après l´ascension d´un chemin en cailloux, nous découvrons une petite cour en terre, avec quelques portes autour. À gauche, la cuisine où l´on mange aussi, à droite, les toilettes, sans eau, mais avec des toilettes (nous n´avons jamais compris pourquoi les toilettes avaient une chasse d´eau, vu qu´elle ne peut pas servir et que pour vider les toilettes, il faut vider un seau d´eau dans le trou... Quant à l´évier, l´eau ne coule jamais de son robinet... Clou du spectacle, il y avait aussi une douche... mais bon, inutile de compter sur l´eau froide, encore moins sur la chaude !) et en haut, notre chambre. Nous empruntons donc un escalier archi-raide en bois, qui ne tient que par un clou et qui branle à chacun de nos pas et qui donne sur quelques planches de bois qui font office de patio. La première porte à gauche, c´est notre porte. La porte fait... 1 m 50 de haut environ et nous risquons de nous y fracasser la tête à chaque passage. Nous déposons nos affaires sur un des trois lits simples (et qui sont l´unique composition de la chambre...) et redescendons dans la cuisine par l´escalier de la mort... En bas, nous entrons dans la cuisine (la porte fait aussi 1 m 50 de haut...). Celle-ci est une pièce en terre, au sol, avec une table, des bancs en bois recouverts de draps qui n´ont jamais été lavés. Deux petites fenêtres offrent de la lumière mais pour les ouvrir, il faut enlever ce qu´il y a devant : un tube de dentifrice (la brosse à den qui va avec est sous le banc, par terre, dans la terre...), une boîte de fer et d´autres objets non identifiés. Sur le sol, mange un agnelet domestiqué du nom de Pancho, et Fabienne est au fond de la pièce, s´activant à mettre des herbes sèches dans le foyer pour faire chauffer notre repas. Cynthia mange dans un autre coin de la cuisine, la tête plongée dans son bol de soupe. Comme nous l´avait indiqué le guide, nous remettons notre cadeau à notre famille d´accueil (un paquet de sucre, un autre de riz et un paquet de bonbons, au cas où il y aurait eu un enfant, mais c´est louppé, il n´y en a pas... Cynthia et sa maman pourront en profiter). Nous demandons si nous pouvons aider et Fabienne nous répond, mais en quechua. En fait, elle parle principalement cette langue, incompréhensible pour nous, malgré la feuille que nous a offerte Léo avec quelques mots et malgré notre bonne volonté. Sa fille se retourne et nous tend 2 assiettes et des ustensiles. Nous comprenons donc que nous mangerons seuls... Alors nous mettons la table et quelques minutes après, Cynthia nous sert une soupe au kinoa (nous connaissons bien, nous en mangeons très souvent dans les cantines des villes où nous séjournons). Nous commençons à manger le breuvage et c´est... vraiment très bon ! Nous invitons Fabienne à venir manger à notre table (elle mangeait la tête dans le foyer) et elle se joint à nous, mais les sujets de conversation sont peu nombreux, vu qu´elle parle à peine espagnol et que nos univers de vie sont au moins aux antipodes... Cynthia traduit et nous apprenons donc que Pancho boit du lait, que Cynthia va à l´école et que le mari est parti vivre à Lima avec une autre... Après la soupe, Cynthia nous sert une montagne de patates avec un morceau de fromage. Là encore c´est super bon, mais un peu sec (les patates sont cuites, mais ni salées et il n´y a pas de matière grasse...) Et en guise de dessert, nous auons droit à une tisane de muña, une sorte de menthe... Petit détail important que Léo nous avait donné : à Amantani, toutes les familles sont végétariennes. Pas de viande, pas de poisson... Pas de poisson alors que nous sommes sur une île... En fait, c´est une tradition, mais surtout le lac a tellement été pollué que beaucoup de poissons sont morts et qu´il a fallu importer des truites du Canada pour le repeupler !
Après ce bon repas, notre "mama" nous conduit au terrain de football de l´île. Il est environ 15 heures et nous devons faire l´ascension de la montagne Pachamama (4200 mètres, soit 200 mètres de dénivelé) pour assister au coucher de soleil. En attendant les autres membres de groupes et leurs mamas, je joue au foot avec 3 jeunes du village... Après avoir touché 4 fois le ballon, je décrète que la mi-temps est sifflée... Jouer si haut, c´est assez épuisant ! Une fois les autres arrivés, nous commençons notre ascension. Derrière nous, le lac, de plus en plus immense au fur et à mesure que nous montons. Derrière lui, nous percevons des sommets enneigés et la Bolivie. C´est splendide, mais rien comparé à ce qui nous attend.
Notre groupe se réduit au fur et à mesure que nous grimpons. Nos pauses se font de plus en plus nombreuses. Vers 17h30, nous arrivons au sommet. Devent et derrière nous, le lac, et des îles et des montagnes. Et le soleil, de plus en plus rouge. Au sommet de la montagne, la langue à terre, nous assistons, devant nous, au plus beau des couchers de soleil... et derrière nous, au plus beau des levers de pleine lune ! Une grosse lune, bien joufflue ! Nous ne savons où regarder... Le soleil se couche, orange puis rouge, puis disparaît et à la seconde de son coucher, il fait très froid ! Nous mettons notre panoplie andine et nous tournons vers la lune. Léo, qui nous a guidés, siffle la fin de la sortie et nous incite à vite redescendre, car il va vite faire nuit. Alors nous revenons sur nos pas, la lune en face de nous, une grosse lune qui se reflète dans le lac. Wow ! Quel spectacle ! Avec nos mains gantées, nous revoilà à faire un "¡Hola cinco!".


Notre mama nous attend en bas, au terrain de foot. Nous rentrons donc à la maison pour le souper. Il est 18h30 et selon Léo, à 19h, nous devons manger. Cynthia nous a demandé d´attendre dans notre chambre. Nous attendons. Et il fait très froid (car il n´y a pas de chauffage). Nous décidonc d´attendre sous les couvertures. À 19h, personne n´est venu nous chercher et nos kinoa et patates sont digérées depuis belle lurette... Nous trépignons, faisons du bruit pour être sûrs de ne pas être oubliés. En bas, dans la cuisine, aucun bruit !... Le temps est long surtout qu´à 20h, nous sommes attendus pour une grande fiesta organisée en notre honneur, avec habits traditionnels de rigueur. Et il est hors de question de louper cet événement !
Après une attente qui nous semble interminable, Cynthia vient nous chercher. Nous sommes transis de froid sous les couvertures, mais rassurés de ne pas avoir été oubliés... Dans la cuisine, nous mangeons tout emmitouflés, à la lueur d´un néon blafard au plafond. Fabienne nous a préparé une autre soupe, de patates, cette fois, avec du riz et des patates comme plat de résistance. Le dessert est le même qu´à midi, soit une tisane de menthe. Mais vu la température pôlaire, nous l´acceptons volontiers. Nous n´avons même pas le loisir d´inviter nos hôtes à notre table, ils ont quitté la cuisine... Nous quittons donc la table et Cynthia vient nous voir, dans la noirceur de la cour, pour nous donner nos vêtements de bal...
Dans notre chambre, elle couche sur le lit le pancho et la tuque typique andine (pour les hombres) et une jupe jaune, une autre rouge, une blouse avec des motifs et une ceinture multicolore (pour les señoras)... Une fois le tout mis, Cynthia nous escorte vers la salle des fêtes d´Amantani... Nous reprenons donc le chemin de dehors et il fait froid. Après 5 grosses minutes de marche, nous y voici... Les locaux sont là et les touristes ! Car le bal est fait pour les gringos. Un orchestre traditionnel nous attend pour jouer les airs les plus populaires du lac Titicaca (mais comme ils ne passent pas sur Radio Ritmo Romántica, on ne peut pas les fredonner...). Nous voici donc dans la salle. Toutes les mamas ont accompagné leurs hôtes et quand l´orchestre se met à jouer, c´est le délire total... Les mamas accourent vers leurs gringos pour commencer la danse... Le pas est très basique (pas plus de 2 temps, on balance les bras de gauche à droite, de droite à gauche, d´avant en arrière et d´arrière en avant, et on peut parfois varier la chorégraphie, en faisant tourner la partenaire...) et surtout très répétitif... Le dernier morceau a duré environ 15 minutes, et chaque fois que nous pensions que c´étaot fini, que le refrain entonnait la fin du morceau... ça recommençait ! En tout, le bal a duré 1h30. Ce fut épuisant pour les bras, et très frustrant. En effet, à chaque fois que Cynthia est venu danser soit avec moi (Guillaume) soit avec nous, elle ne nous a jamais regardés ! Pis encore, dès que le morceau s´achevait, elle filait ricaner avec ses amies mamas... Mais bon, au moins, cela nous aura réchauffé, nous aurons paradé en habits traditionnels, et dansé comme le faisaient les insulaires il y a déjà bien longtemps.



Après ces efforts, mama Cynthia nous ramena à la maison et nous fait un "Buenas noches" expéditif avant de diparaître dans ses quartiers. Nous remontons donc nos escaliers raides et, une fois dans la chambre, mettons notre pyjama le plus chaud, vu qu´il doit faire un bon 10 degrés dans la chambre. Heureusement qu´il y a 3 couches de couvertures.
Le lendemain, comme notre bateau quitte l´île vers 7h30, nous sommes conviés pour le desayuno vers les 7 heures. Nous nous attendons à manger une troisième soupe en autant de repas chez nos hôtes, mais Cynthia et sa mère nous ont préparé 2 grosses crêpes vraiment bonnes (avec la même tisane qu´aux deux repas précédents...). Nous ne pouvons leur parler vu que toutes les 2, une fois nos assiettes servies, ont quitté la maison pour ramasser des patates dans le jardin. Alors nous mangeons seuls puis allons nous laver dans les mini-toilettes, avec de l´eau glaciale. Sur les coups de 7h30, nous disons au revoir à Pancho et à Fabienne, puis Cynthia nous ramène au port. Notre groupe nous attend, avec la même aventure à raconter...
Pour nous, c´est sur cette épopée familiale que s´achève le Pérou. 4 semaines pleines de couleurs et de souvenirs. Maintenant, en route vers la Bolivie !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai chanté avec vous "tan lejos de ti", j'ai dansé avec vous sur "no se que significa vivir"... Désormais,c'est fini pour France Inter, je n'écouterai plus que Radio Ritmo Romantica, en fermant les yeux, ainsi je continuerai le voyage avec vous!
Lys