mardi 24 août 2010

La Bolivie andalouse

Le sud de la Bolivie nous a offert un visage nouveau de ce pays andin. Après les missions jésuites, nous sommes rentrés en train-frigo à Santa Cruz pour une journée. La capitale économique du pays a presque tout d´une ville occidentale, avec ses magasins Nike, Kodak, Dolce Gabanna ou Gucci. Les rues sont même indiquées sur des panneaux, les numéros visibles et, comble de l´occidentalisme, les routes de la ville sont parsemées de feux pour faciliter la circulation... Bon, les Cruçeños restent des Boliviens, ce qui signifie qu´ils considèrent le feu avant tout comme un objet de décoration, et que rouge, vert, orange ou en panne, les voitures passent... Mais bon, il y a des feux.
Nous avons été des témoins privilégiés de l´activité qu´offrent les places centrales de chacuns des villes et villages que nous avons croisés. Souvent baptisées du nom du héros local (Sucré, Luis de Fuentes) ou d´une date significative des batailles des guerres d´indépendance (pointez une date sur un calendrier, et une place portant ce nom existe quelque part dans le pays), ces places sont le théâtre des fanfares, des concerts intimes et autres défilés. Ainsi, à Santa Cruz, un matin de semaine, la fanfare d´une école (comprenant un orchestre d´une vingtaine de musiciens, trompettistes, choristes, tambouristes, etc. mais aussi d´autant de cheerleaders) est restée près d´une heure à interpréter des airs du répertoire classique bolivien (qui avaient l´air classique, vu que les témoins fredonnaient les paroles gaiement), mais aussi la marche de l´empereur dans Star Wars. Et les passants regardaient, captivés, ce bel ensemble (avec une certaine préférence pour les jambes élancées des jeunes señoritas...).

Quelques jours plus tard, à Tarija, le jours de notre arrivée, un concert de guitares a été donné, peu avant midi, à l´ombre des grands arbres de la place centrale. Un superbe concert d´une quinzaine de guitaristes, aux sons très argentins, sous le regard d´une trentaine de témoins, dont nous, et du consul d´Argentine à Tarija. Ce dernier, ainsi que ses amis, avaient l´air enchanté, chantant les grands airs du folklore de son pays.
Enfin, le lendemain, alors que nous déjeunions près du zocalo, ce sont les écoles maternelles et primaires qui défilaient. Sans doute celles de Tarija et de ses environs vu le nombres de niños et de niñas qui paradaient. Mais ils ne défilaient pas simplement. Non, ils étaient tous vétus d´habits "à l´ancienne" : les jeunes filles avaient de larges robes à froufrous bleues, roses ou vertes, des hauts de dentelle et des chapeaux élégants recouvrant leurs cheveux ondulés pour l´occasion. Elles s´abritaient sous des ombrelles, même si la journée était grise. Quant aux petits gars, ils avaient d´élégantes moustaches, des favoris, et portaient, pour certains, des habits traditionnels populaires, et pour d´autres, un costume plus élégant. Ils paradaient tous derrière l´étendard de leur école (un peu comme les écoles de samba de Río, lors du carnaval), au son de la musique jouée par la police de la ville ! Un homme, au micro, annonçait quelle école passait devant lui, et remerciait du coup des sommités municipales pour leur soutien. Ces mêmes sommités que l´on retrouvait dans les rues, en habits militaires, fiers de leur apparence. En effet, la ville fêtait les deux cents ans de sa libération, et tout le monde fêtait depuis quelques jours. Quant aux parents, qui filmaient, photographiaient et pointaient du doigt leur progéniture, de fierté, ils avaient dû se lever aux aurores pour préparer les costumes. Mais quel résultat ! Une fois le défilé terminé, les enfants sortaient du cortège pour retrouver leurs parents. Si certains rentraient chez eux pour fêter (c´est surprenant de voir une petite fille avec sa large robe ou un petit paysan déguisé de sept ans monter sur la moto du père, ça fait un drôle de contraste temporel...), d´autres familles se réunissaient dans un des cafés du coin pour souligner la prestation exceptionnelle du petit, buvant des limonadas et s´empiffrant d´une des merveilles de Tarija, les salteñas...





Ah, les salteñas ! Elles ont redonné du crédit à l´estime gastronomique que nous avions de la Bolivie. Nous avions parlé des PAP (Pollo-Arroz-Papas) qui composaient la quasi intégralité de nos repas. Mais les salteñas sont venues troubler notre régime alimentaire. Ce sont de petits chaussons de pâtes cuites, comprenant de la viande (poulet, évidemment, ou boeuf), des oignons, des morceaux d´oeufs, et quelques légumes. Et le tout, servi chaud, est délicieux et coûte une bouché de salteñas. Cela ressemble aux empenadas, mais c´est beaucoup plus juteux, dedans, et plus petit. On les mange surtout le matins, mais nous avons trouvé quelques salteñerias offrant ce bijou tard la journée. Et cela nous a épargné bien des PAP !
Notre enthousiasme des papilles, à Tarija, s´est prolongé grâce à une journée passée dans les bodegas du coin. En effet, dans le sud de la Bolivie, on fait du vin ! Et pas de la piquette ! Nous avons donc vadrouillé dans trois vignobles (un vignoble industriel, un semi-industriel et un artisanal) avec un guide bolivien, Carlos, et une famille boliviano-suédoise... (oui oui, ça existe !). Dans chacune de nos haltes, nous avions droit à la dégustation de trois ou quatre vins (du Merlot, du Cabernet Sauvignon, de la Syrah, du Malbec et du Chardonnay) avec du jambon, du fromage local, des biscottes, des olives, etc. Cependant, comme ici c´est l´hiver, nous n´avons vu des vignes que les pieds, sans les feuilles ni les grappes de raisins. Pour conclure la dégustation, les producteurs nous offraient leur "aguardiente" (eau-de-vie) locale. Et ça tape ! Quand il fait 35 degrés dehors et qu´on termine avec du fort, on devient vite euphoriques. Durant 5 heures, nous avons constaté que le vin bolivien est diversifié dans les saveurs qu´il offre, qu´il a une certaine cuisse, et que les 14% d´alcool qui le composent rendent joyeux ! Mais le vin et les saltñas sont à l´image de Tarija : joyeux, multisavoureux, fêtards. Ce fut sans doute un de nos gros coups de coeur de la Bolivie (en haut de la liste des coups du coeur, même...).


À deux occasions (Santa Cruz et Tarija), nous sommes allés dîner dans le "Club social" de la ville. Jadis endroit réservé aux hommes, le Club s´est ouvert à tous, et offre un repas complet pour vraiment pas cher. Mais l´endroit veut garder une certaine classe et impose à ses clients une classe vestimentaire. En d´autres mots, nous avons essayé d´y aller en bermudas, et nous avons été refusés. Ni une ni deux, nous sommes allés mettre nos vêtements de gala (un jean...) pour déguster, entre autres, une entrée de lentilles, une soupe du jour, de la salade variée et à volonté, du bon boeuf, du pouding au riz et même un verre de vin !
Le retour vers La Paz, synonyme de Brésil dans quelques jours, passait par une journée à Sucré, la capitale constitutionnelle de la Bolivie (et n´oublions pas que La Paz est la capitale "tout court" du pays... Ça fait donc trois capitales !), et ville universitaire donc dynamique. Elle a les allures bourgeoises de Santa Cruz (La Paz ressemble à un vaste bidonville comparé à ses deux soeurs) et ses murs blancs rappellent ceux de Tarija l´Andalouse. Nous n´y avons passé que deux journées, avons trouvé des saltenerias et constaté l´incroyable diversité architecturale, preuve de l´histoire mouvementée de la ville. Mais le résultat est vraiment impressionnant. Quant au marché, il offre de multiples couleurs, et, comme la plupart de ceux que nous avons parcourus en Bolivie, il se divise en de nombreuses allées thématiques (légumes, jus, viande, oeufs, quincaillerie, hygiène, etc.).




En Bolivie, nous avons fait la connaissance de nos "salvatrices". Des dames qui rendaient notre quotidien plus agréable. La première, señorita Naranja, vend des jus d´oranges frais dans la rue, dans la plupart des endroits où nous sommes passés. Pour environ 2,50 bolivianos, elle nous pressait un gros verre de vitamines C. Chaque matin, nous partions à sa rencontre, sans avoir trop de problèmes à la trouver, vu que des señoritas Naranja, il y en a plein la rue (et on trouve aussi quelques señores !). Avec son stand mobile, elle change d´emplacement plusieurs fois par jour. Son comptoir offre, à la vue de tous, une montagne d´oranges à presser et déjà vidées, un appareil manuel pour les éplucher et le presse-jus. Elle nous sert un copieux verre, et, en le buvant à côté d´elle (au lieu de l´emporter), on se voit offrir un autre verre !


La seconde, señorita Gelatina, se balade dans les terminaux de bus, va de quai en quai, monte dans les bus sur le point de partir, et, pour 1 boliviano, propose l´équivalent d´un verre de Jello (gélatine), vert, orange ou rouge. Parfois, le dessus est recouvert d´une sorte de crème fouettée, et, servi avec une cuiller en plastique, il composait le dessert précédant nos longs trajets de bus.
Avec Sucré, nous concluons donc un mois en Bolivie. Un mois de diversité quotidienne (sauf pour les repas...), à rencontrer des gens chaleureux, passionnés et fiers. Certes, on pourrait s´atarder sur les tonnes d´ordures qui jonchent les routes (à Tarija, la ville fait de gros efforts de ce côté, et la ville est franchement très propre !), sur les feux dans les champs qui se transforment en incendies incontôlables, mais cela pèse bien peu par rapport à la joie d´être des Boliviens qu´ils ont su nous transmettre.
Prochaine étape : le vol TAM Mercosur TZ710 nous menant de La Paz à Río de Janeiro, ce mercredi à 2h30. Bem-vindo ao Brasil !

vendredi 20 août 2010

Saveur locale, cucarachas comprises

Après une absence d'une semaine, nous revoilà sains et saufs pour ceux qui se posaient la question. Les connexions Internet ne sont pas toutes à la hauteur de ce qu'elles annoncent, surtout dans les petits villages aux fins fonds de la frontière Bolivie-Brésil.
Une fois l´épisode du pipi de singe passé, nous avons quitté Villa Tunari pour retourner à Cochabamba, puis continuer vers l´est, dans la direction des missions jésuites. À Cochabamba, une des activités touristiques est la visite de la statue du Christ qui surplombe la ville. Dans la plupart des villes que nous avons visitées, un Christ blanc géant protège les habitants. Parfois il est très classique (Cuzco, Cochabamba), et parfois, on en a vu des plus "design" (Tajira, par exemple). Mais le plus haut de la région (et même plus haut que celui de Rio !) est celui de Cochabamba (plus de 35 mètres). Pour y accéder, on prend un téléphérique qui nous mêne tout en haut de la montagne, puis on entre dans le Christ, on monte les escaliers qui lui servent d´entrailles et on a une vue panoramique de la ville. Ça vaut le coup, surtout que visiter Cochabamba ne prend pas des heures, donc ça occupe...


De Cochabamba, nous avons donc pris un bus pour les missions jésuites. Nous avons comencé avec le village de Concepción, à sept heures de bus. Qui dit climat chaud, dit également végétation dense, flore exotique et... faune aussi. Nous avons pu le constater dès notre départ de Santa Cruz pour les missions. Dès que nous avons vu le bus nous menant à Concepción, nous avons eu peur. Un bus qui tombe en lambeaux juste à le regarder. Ouf, le trajet va être long ! Nous étions assis juste derrière le chauffeur. C´est à ce moment que nous avons pu constater que nos impressions semblaient justes. Sur le banc du conducteur était installé un coffre à outils ouvert. Non seulement l´autobus semblait avoir des problèmes mécaniques, mais sur le bord de la fenêtre se promenait une cucaracha (blatte, cafard ou coquerelle, à vous de décider). Elle était en train de tranquillement grignoter le goûter du chauffeur jusqu'à ce que celui-ci s'en aperçoive et la tasse d'un simple coup de main. Jusque-là tout va bien, elle se trouve du côté du conducteur. C'est lorsque nous en avons vu du côté des passagers que nous nous sommes un peu inquietés. Après la deuxième, que nous avons vue de notre côté c'est tout le bus s'est mis à les chercher. Disons que nous avions nos sacs sur nous afin d'être certains de ne pas en transporter en dehors du bus. Sinon, il nous est arrivé de changer de chambre puisqu'il y en avait sur les murs de la chambre, d'en retrouver dans les toilettes publiques des hôtels et de voir des chats en manger. Finalement, nous sommes arrivés sains et saufs à Concepción...
Les Jésuites y avaient installé leur quartier aux XVIe et XVIIe siècles afin d´évangéliser les Indiens. Pour cela, ils avaient fait construire des monastères, et les villages se sont bâti autour, au cours du temps, respectant la couleur et le style du monastère. Cela donne des villages aux couleurs ocres et pastels (les murs sont en chaux, peints ensuite en jaune et orange), comme on peut retrouver dans le Yucatan, au Mexique. L´ambiance n´a rien d´intense, c´est très tranquille et souvent écrasé par une chaleur indolente qui arrête toute vie entre midi et trois heures. Et, pendant que la canicule écrase le village, visiter l´église et la cour intérieure du monastère est vraiment reposant car il y fait frais. En plus, nous n´avons croisé que très peu de touristes. Enfin, à Concepción, le village était relativement propre (comparativement aux tonnes d´ordures qui jonchent le sol ailleurs, dans la rue, sur les routes ou dans les champs...). En effet, les habitants semblaient être des champions du monde du balayage devant leur porte. Ils nettoient méticuleusement leur pas de porte, balaient également les tapis et paillassons, mais jettent ensuite les détritus dans la rue, que le vent emporte ensuite au loin... En tout cas, cette ambiance calme et la couleur de la ville, ajouté à la gentillesse des habitants ont rendu notre séjour vraiment agréable.

Nous avons ensuite continué plus vers l´est à San Ignacio de Velasquez, à quelques kilomètres de la frontière brésilienne. Là, c´est plus ambiance "far west"... La proximité du Brésil fait de cette ville une plaque tournante du commerce de toute sorte d´affaires sans doute louches. Certaines autos n´ont pas de plaque d´immatriculation, afin que le chauffeur mette celle qui l´arrange en fonction du pays où il se trouve. San Ignacio est plus gros que Concepción, mais la place centrale a conservé l´église des Jésuites et les couleurs ocres que sa voisine (quand même à six heures de bus...) avait aussi. Et, tout comme à Concepción, les rues sont faites de terre battue orangée super poussièreuse. Inutile de dire qu´au passage d´une auto, d´un bus ou d´une bourrasque, on est mieux de se protéger le visage sous peine d´éternuements multiples... Pour s´abriter de la chaleur, nous sommes allés nous régaler d´une limonade au marché du village, suivi d´un bon almuerzo composé, évidemment, de poulet, riz et frites (nous parlons maintenant du fameux PAP quand nous allons manger : Pollo-Arroz-Papas, qui compose la très grande majorité de nos repas, incluant certains desayunos...) ainsi que d´innombrables mouches qui s´étaient invitées à notre table.

Le lendemain, nous étions dans un troisième village jésuite, à San José de Chiquitos (les Jésuites trouvaient les Indiens tellement petits, que, pour souligner ce trait, ils ne les désignaient pas sous le terme de "chicos", mais de "chiquitos", appelation qui est restée dans quelques villages de la région). Une des originalités de la ville est qu´elle a une gare qui permet de voyager de la frontière brésilienne jusqu´à Santa Cruz. Ici, nous avons pu admirer les travaux de restauration de l´église mais surtout des appartements des officiels espagnols (gouverneurs, généraux) qui ont laissé la trace de leur passage au fil du temps. Chacun voulant témoigner de son passage et de son époque, des couches de peinture se sont empilées, et, grâce au travail de passionnés de San José, les peintures murales sont exposées et entretenues. On y voit des Jésuites prêchant auprès des Indiens, le portrait d´un gouverneur espagnol, des soldats napoléonniens défilant, et des peintures de soleil, de végétaux, le tout dans un style naïf mais efficace. L´ensemble, peint sur de la chaux, donne un résultat hallucinant, surtout que nous avons eu droit à une visite passionnée de notre ami français, Pierre.
En effet, après notre arrivée à San José de Chiquitos, nous nous sommes retrouvés à manger une glace dans un restaurant appelé Sabor y Arte en suivant le gré de nos pas. Nous y avons rencontré un restaurateur (pour ne nommer que cette facette de sa vie) français, Pierre Martinez. Il est marié à une charmante Bolivienne (pour ne pas dire la Grace Kelly de la Bolivie), Patricia. Dès l'instant où il a entendu notre accent espagnol, il a imméditement entamé la conversation en nous parlant de sa région. Pierre, même s'il est Français d'origine, est plus Bolivien qu'il n'en a l'air. Il voue à sa terre d'adoption un amour qu'il désire partager avec le plus d'étrangers possible. La discussion tombe vite sur l'article d'Éric Clément paru dans La Presse au mois d'avril dernier. Cet article nous avait tout de suite donné l'envie d'aller visiter cette région de la Bolivie. Quelle surprise, Pierre est celui qui a fait, entre autres, visiter au journaliste la région lors de sa venue. Il propose donc de nous faire visiter l'église le lendemain matin, en plus de nous donner de bons conseils sur le coin. Ce soir-là inutile de dire que nous avons fermé le restaurant avec Pierre après avoir terminé nos glaces, bu de la bière et surtout goûté à son délicieux fromage. Le lendemain matin, Pierre est au rendez-vous comme promis. Il doit cependant faire une commission avant de nous faire visiter l'église. Il nous invite à l'accompagner. Nous montons dans sa camionnette en direction de la gare, il doit aller acheter son billet de train (Pierre fait également partie du comité organisateur des différents festivals de théâtre et de musique de la région). Tout au long de la balade, il nous explique la mentalité bolivienne, les traditions, les coutumes, l'organisation sociale, etc. Nous faisons un dernier arrêt à la quincaillerie d'un de ses amis. Ce dernier arrêt sera en fin de compte la grande partie de notre matinée. Après les présentations, nous sommes invités à la maison de son ami. Nous allons enfin voir une vraie maison bolivienne (celles que nous avons vues sont en fait, des maisons-hôtels donc pas très représentatives) ! On nous sert le café et la discussion s'oriente sur les affaires de Pierre. Il est en train de bâtir un projet de wwoofing - Willing Worker on Organic Farms - avec son ami. Nous partons donc voir les travaux de construction de cet "hôtel" nouveau genre sur les terres de son ami (Pierre attend une quinzaine de journalistes de tous les pays la semaine suivant notre départ afin de leur présenter leur projet). Nous visitons donc le futur immeuble, mais surtout l'immensité des terres agricoles de la propriété et les inombrables troupeaux de vaches. Le tout agrémenté des commentaires et de Pierre et de son ami. À la fin de l'avant-midi, Pierre doit retourner au village chercher son fils à l'école. Nous avons donc droit à une visite de l'église en compagnie, probablement, du plus grand admirateur de la région qui soit. En terminant la visite, Pierre nous invite chez lui en milieu d'après-midi afin que nous échangions nos courriels respectifs. Une fois chez lui, nous sommes accueillis par sa femme et son fils dans une maison qui respire la vie, le bonheur et la nature. Pierre nous fait goûter son miel (il a une quinzaine de ruches si ce n'est pas plus chez lui), nous fait le tour de sa propriété en nous donnant encore une fois de judicieux conseils sur la Bolivie, mais aussi l'Amérique du Sud au complet. Cette rencontre a donné une saveur locale, bien précieuse à nos yeux de touristes désireux d'en apprendre davantage sur cette région orientale de la Bolivie.

Sous les conseils de Pierre, nous avons prolongé notre visite en partant de nouveau vers la frontière brésilienne, à Santiago de Chiquitos, village reculé. Si l´église était nettement moins étincelante que celles des trois villages précédents, le village a valu la peine pour son environnement et pour la rencontre que nous avons faite avec Milton, un ancien professeur américain devenu producteur laitier, au look hippie, installé en Bolivie depuis plus de quarante ans.
Une montagne surplombe le village de Santiago, et son ascension vaut vraiment le détour, surtout pour la vue qu´offre son mirador. Après deux heures de marche et de grimpette, nous sommes donc arrivés en haut de la montagne qui surplombe le village, mais aussi la pampa, d´un autre versant.



La vue est vertigineuse, et le plateau, au sommet, est recouvert de mousses sèches mais aussi de sortes de menhirs. Quand le vent s´est levé la prise de photos sur le bord des précipices, est presque devenue périlleuse. Mais en tout état de cause, ça en valait vraiment la peine.



Une chose primordiale, pour qui veut aller visiter les missions, est de retirer suffisamment d´argent à Santa Cruz, faute de guichet automatique dans les missions... De notre côté nous nous sommes retrouvés à devoir compter chaque dépense, à réduire le nombre de repas quotidiens (bye bye les desayunos de pollos !) et à dormir dans les chambres les plus spartiates sous peine de nous retrouver sans le sous et de ne plus pouvoir repartir de Roboré où nous attendait le train pour filer à Santa Cruz. À Santiago, notre chambre, qui ne valait vraiment pas cher, se trouvait dans une cour entourée de quelques cordes afin d´empêcher les ânes, les poules, les chiens, les vaches et les chevaux qui traînent en liberté dans le village, de rentrer sur la propriété. Mais il y avait sans doute un trou quelques part, puisqu´une nuit, un âne s´est mis à braire en face de notre chambre, pendant que le chien du gardien lui aboyait après !
Finalement, après près de 1400 km de route dans les missions jésuites, nous avons rejoint Roboré pour prendre le train qui nous ramenait à Santa Cruz. Le train, moins cher que le bus, nous attirait puisque c´était la première fois, depuis la Machu Picchu, que nous le prenions. Le vendeur, à la gare, nous avait vanté le luxe des wagons, le fait qu´il y avait une télé, etc. Finalement, on a surtout eu droit à l´air climatisé pendant les dix heures de trajet, et une température proche de cinq degrés (au maximum !). Tous les voyageurs disparaissaient sous d´énormes couvertures ou plusieurs couches de vêtements, et les éternuements de multipliaient ! Quant au film promis sur la télé, on en attend encore le début ! Bref, une nuit glaciale qui nous a semblé éternelle !
La place centrale de Santa Cruz.

vendredi 6 août 2010

Comme sur un circuit de Formule 1, les émotions en plus, la sécurité en moins

Les transports en commun font partie de notre pain quotidien. Vu que nous changeons de ville presque quotidiennement, nous nous sommes déplacés grâce à divers moyens : bateau, vélo-taxi, taxi, bus, colectivos, etc. En bus, lorsque nous étions allés à Arequipa, nous avions passé la moitié du voyage avec une vitre brisée, résultat d´un jet de pierre provenant de l´extérieur. Mais l´expérience la plus saisissante est celle des bus et des micros, qui nous ont permis de saisir pleinement à quel point la conduite est, ici, le "sport national extrême" (expression utilisée par un chauffeur de taxi de Cochabamba).
Ainsi, nous sommes revenus de Villa Tunari à Cochabamba en mini-bus. Nous étions sept passagers dans un petit bus pour parcourir les 160 km qui séparent les deux villes. Nous avions déjà pris des bus et étions familiers avec le but ultime de tout conducteur : dépasser, coûte que coûte, le véhicule qui le précède. Que ce soit de nuit, au crépuscule, de jour, sous la pluie, dans le brouillard, sur une route de terre ou en bitume, sur une route avec juste une voie et demie... le but est de dépasser... Alors dans un grand bus, ça va, car on ne voit pas vraiment ce qui se passe devant. Mais dans un mini, on voit ce que voit le chauffeur. C´est hallucinant !
Dépasser..."Adelantar" en espagnol... Ça, on en a dépassé des autos, bus, motos, piétons. Dans des conditions incroyables. Ainsi, une heure après le départ, nous sommes arrivés dans une zone de brouillard extrême (en réalité, ce sont les nuages ! Nous avons traversé d´épais nuages gris pendant une heure avant d´arriver au dessus et de nous retrouver sous un beau ciel bleu. Le spectacle était fabuleux, et surtout nous regardions autre chose que la route et notre conducteur...). Le chauffeur (qui n´avait pas mis sa ceinture... en réalité, on se demande à quoi elle sert, personne ne la met jamais !) n´a rien changé à sa conduite. Il restait toujours à rouler à environ 90 km/h, quel que soit le type de chaussée (gravier ou bitume). Et, pour ne pas nous rassurer, la majorité des véhicules que nous croisions n´avaient pas mis leurs phares alors qu´on n´y voyait rien. Nous n´avions pas dû mettre les nôtres non plus, je suppose.
Le chauffeur mangeait des feuilles de coca d´une main et "textait" de l´autre... et accélerait des pieds ! Et nous, nous n´en revenions pas ! Et il doublait, il doublait... Et des autos ou semi-remorques arrivaient en face, et lui se rabattait au dernier moment, doublant autant qu´il pouvait. Mais rassurez-vous, il n´est pas le seul à agir ainsi... Tous les conducteurs font de même ! Dans une zone de brouillard intense où il était impossible de voir à plus de trois mètres en avant et où nous étions dans une courbe en pente ascendante (sans garde-fou) sur un chemin de terre, il a commencé à doubler un camion, mais une butte de terre est soudainement apparue dans la voie de gauche, forçant ainsi notre chauffeur à se rabattre dans la voie de droite derrière le camion (il a estimé qu´il n´avait pas assez de temps pour terminer sa manoeuvre, il a alors ralenti brutalement pour se rabattre). Mais la route était en terre ! Et la voiture a dangereusement dérapé vers le ravin. Nous avons failli tomber dans le ravin embué qui était à notre droite ! Rien de moins... Bon, le temps d´avaler une autre feuille de coca, et notre homme doublait le camion !
La nuit venue, c´est encore plus épeurant ! En effet, on voit les lumières des voitures dans les deux sens, et on se rend compte que notre Schumacher double alors qu´un convoi de camions arrive dans l´autre sens, à quelques mètres à peine, ou qu´une voiture nous arrive de face en se rabattant au dernier moment ! Mais pour lui, c´est comme un jeu. Il a le sentiment de jouer à la PlayStation, on dirait ! Mais notre nombre de vie est limité... Une fois arrivés en ville, nous croisons quelques feux rouges, censés réguler la circulation. Mais si rien n´est en vue au rouge, les voitures passent. La lumière rouge n´est qu´un outil de décoration, qui met un peu de couleurs sur les routes boliviennes...
Pour les piétons, ce n´est jamais ni le bon endroit, ni le bon moment pour traverser. Alors comme rien n´est fait pour qu´ils traversent, ils passent où ils peuvent, quand ils en sont capables. Et ce même au milieu d´une route nationale. Ils savent qu´aucune voiture ne ralentira pour leur donner une chance, qu´ils vont se faire copieusement klaxonner, mais ils foncent, seuls ou en famille, avec parfois des paquets plein le dos, poussant une brouette pleine de sacs... La conduite, en Amérique du Sud, c´est le Far West. Mais étonnament, on voit peu d´accidents, ou quand on en voit, rien de grave. En ville, c´est la même chose. Traverser est une épreuve olympique. Les voitures passent tant qu´elles peuvent et, si elles sont bloquées dans un embouteillage, leur chauffeur vous fait signe de passer, comme si c´était une faveur. Sinon, soit on passe en force, à nos risques, soit on attend, parfois très longtemps...
Une autre aventure "automobile" nous est arrivée, à Copacabana, à la frontière entre le Pérou et la Bolivie. Nous sommes restés quelques jours dans cette petite ville pour soigner une grosse fin de rhume, et nous en avons profité pour assister à quelques baptêmes, avec prêtres et parents émus. Mais pas des baptêmes traditionnels de bambins de quelques jours... Non, des baptêmes d´automobiles ! En effet, chaque nouveau propriétaire de voiture vient près de l´église, décore sa voiture (images de la Vierge, banderoles colorées, chapeaux en carton sur le dessus de la voiture) et avertit le prêtre (le même que celui de l´église voisine !) que la cérémonie peut commencer. Et on vient du Pérou pour cette procession unique ! Le rituel veut donc que le prêtre marmonne d´abord quelques mots pendant que les propriétaires regardent le sol, le mains jointes, en priant. Puis, muni d´une baguette fleurie imbibée d´eau, il arrose la carrosserie, en allant toujours de droite à gauche, et en tournant autour de l´auto. Celle-ci est donc baptisée quand le prêtre en a fait le tour, mais certains propriétaires ouvrent le capot, le coffre, les portes, pour que les moindres recoins de leur progéniture de fer soit protégée par les actes du prêtre. Une fois le prêtre payé et parti, les propriétaires terminent le rituel en achetant qui de la bière, qui du champagne, et arrosent à leur tour la voiture, et en en faisant bénéficier leur voisin, et parfois même le prêtre qui s´active déjà auprès d´une autre auto. Comme quoi, la voiture, en Amérique du Sud, est l´objet de toutes les attentions !
Heureusement, notre expérience en Bolivie ne se limite pas aux transports ! À La Paz, nous sommes tombés sur une ville vraiment hospitalière, où les gens nous ont renseignés avec le sourire. Pour une grosse ville sud-américaine, quelle surprise géniale ! De manière générale, nous avons pu profiter de la jovialité des Boliviens et de leur apparent bonheur de vivre. Nous avons donc prolongé notre séjour dans la capitale bolivienne. La ville, en tant que telle, est une succession de rues pentues, pleines de marchés spécialisés (voir la photo ci-dessous des foetus de lamas). Et pour les gravir, il faut du souffle ! Plusieurs fois, nous avons dû multiplier les pauses lors de l´ascension d´une des "calles". Et, parfois, des grands-pères nous donnaient une tape dans le dos, nous voyant souffler, pour nous demander si tout allait bien ! Inutile de dire qu´après ce type d´ascension, une fois passées les Andes et revenus à une altitude plus basse, nous pourrons nous attaquer à n´importe quel trek ! Comme à Villa Tunari, par exemple. Nous nous sommes rendus dans ce village pour visiter le Parque Machia. Ce parc recueille des singes, des oiseaux de tout genre et même des pumas qui appartenaient auparavant à des particuliers ou même à des cirques. Ces animaux sont devenus domestiques et le parc leur apprend à redevenir sauvages. Et ça peut prendre du temps. La balade dans le parc dure environ trois heures, dans un environnement de jungle. Une forêt très verte, touffue, où on entend des cris de singes et des chants d´oiseaux.
La guide nous a avertis, au préalable qu´il ne fallait toucher à aucun animal. Elle nous mettait en garde contre les singes, qui viennent vers les visiteurs, leur grimpent après et leur font parfois les poches. Nous commençons donc la balade en allant dans le sentier des singes. Et, très vite, nous en entendons plein et en levant la tête, nous en voyons une multitude se balançant de branches en branches. Ce sont surtout des capucins, de tout petits singes au visage très expressif. Nous nous arrêtons pour les regarder, et, à un moment, nous en apercevons un qui boit à un ruisseau par dessus lequel nous passons. Par jeu, j´imite (Guillaume) le cri du singe, et le capucin s´arrête de boire, retourne sa tête, me regarde, monte sur le petit pont sur lequel nous nous tenons... et commence à saisir ma jambe droite et me grimpe dessus !
Je le laisse faire, et rapidement, le voici sur ma tête, à ma grande joie car le petit mammifère a l´air doux et affectueux. Il passe du dessus de mon crâne à mon cou pendant que nous continuons la balade. À un moment, il saisit des feuilles dans un arbre et, pour rigoler, j´ouvre la bouche faisant mine que j´ai faim.... et le singe me fourre la verdure dans la bouche, comme si j´étais son petit ! Il s´est vraiment pris d´affection pour moi ! Peu après, nous croisons une famille bolivienne dont une des filles porte un petit bracelet coloré qu´elle tend au capucin. Le petit animal s´en saisit et se met à l´inspecter, à le mettre dans sa bouche, tout en restant perché sur moi. Car il ne veut plus partir, même quand j´essaie de lui montrer un arbre ou que Julie essaie de s´en saisir. Il s´accroche avec sa queue à mon cou et afin d´être certain de ne pas tomber... Impatient de le voir s´en aller et surtout incapable de m´en déssaisir, nous allons à la rencontre de deux gardiens. Nous leur expliquons que le capucin est devenu pour le moins collant et que nous souhaitons qu´il descende. Les deux hommes s´affairent à essayer de l´ôter de mon cou, mais rien y fait. Ils tirent, feignent, mais rien. Le capucin reste accroché à mon cou. Et, soudainement, je vois Julie qui rit et me crie : "Il est en train de te faire pipi dessus !"... et au bout de quelques secondes, je sens un jet chaud dans mon cou puis le long de mon dos... Le capucin a marqué son territoire... mais ne souhaite vraiment pas descendre. Les deux gardiens, tout sourire, nous indiquent d´aller voir un troisième gardien, qui saura sans doute m´aider... Nous filons le voir et celui-ci, ni une ni deux, lui montre son bras, et mon compagnon s´en va, la vessie vide, me laissant avec une sensation de chaud dans le dos...
Nous pouvons donc continuer la balade jusqu´au sommet du parc qui surplombe la vallée et la ville de Villa Tunari. En route pour Santa Cruz !