vendredi 20 août 2010

Saveur locale, cucarachas comprises

Après une absence d'une semaine, nous revoilà sains et saufs pour ceux qui se posaient la question. Les connexions Internet ne sont pas toutes à la hauteur de ce qu'elles annoncent, surtout dans les petits villages aux fins fonds de la frontière Bolivie-Brésil.
Une fois l´épisode du pipi de singe passé, nous avons quitté Villa Tunari pour retourner à Cochabamba, puis continuer vers l´est, dans la direction des missions jésuites. À Cochabamba, une des activités touristiques est la visite de la statue du Christ qui surplombe la ville. Dans la plupart des villes que nous avons visitées, un Christ blanc géant protège les habitants. Parfois il est très classique (Cuzco, Cochabamba), et parfois, on en a vu des plus "design" (Tajira, par exemple). Mais le plus haut de la région (et même plus haut que celui de Rio !) est celui de Cochabamba (plus de 35 mètres). Pour y accéder, on prend un téléphérique qui nous mêne tout en haut de la montagne, puis on entre dans le Christ, on monte les escaliers qui lui servent d´entrailles et on a une vue panoramique de la ville. Ça vaut le coup, surtout que visiter Cochabamba ne prend pas des heures, donc ça occupe...


De Cochabamba, nous avons donc pris un bus pour les missions jésuites. Nous avons comencé avec le village de Concepción, à sept heures de bus. Qui dit climat chaud, dit également végétation dense, flore exotique et... faune aussi. Nous avons pu le constater dès notre départ de Santa Cruz pour les missions. Dès que nous avons vu le bus nous menant à Concepción, nous avons eu peur. Un bus qui tombe en lambeaux juste à le regarder. Ouf, le trajet va être long ! Nous étions assis juste derrière le chauffeur. C´est à ce moment que nous avons pu constater que nos impressions semblaient justes. Sur le banc du conducteur était installé un coffre à outils ouvert. Non seulement l´autobus semblait avoir des problèmes mécaniques, mais sur le bord de la fenêtre se promenait une cucaracha (blatte, cafard ou coquerelle, à vous de décider). Elle était en train de tranquillement grignoter le goûter du chauffeur jusqu'à ce que celui-ci s'en aperçoive et la tasse d'un simple coup de main. Jusque-là tout va bien, elle se trouve du côté du conducteur. C'est lorsque nous en avons vu du côté des passagers que nous nous sommes un peu inquietés. Après la deuxième, que nous avons vue de notre côté c'est tout le bus s'est mis à les chercher. Disons que nous avions nos sacs sur nous afin d'être certains de ne pas en transporter en dehors du bus. Sinon, il nous est arrivé de changer de chambre puisqu'il y en avait sur les murs de la chambre, d'en retrouver dans les toilettes publiques des hôtels et de voir des chats en manger. Finalement, nous sommes arrivés sains et saufs à Concepción...
Les Jésuites y avaient installé leur quartier aux XVIe et XVIIe siècles afin d´évangéliser les Indiens. Pour cela, ils avaient fait construire des monastères, et les villages se sont bâti autour, au cours du temps, respectant la couleur et le style du monastère. Cela donne des villages aux couleurs ocres et pastels (les murs sont en chaux, peints ensuite en jaune et orange), comme on peut retrouver dans le Yucatan, au Mexique. L´ambiance n´a rien d´intense, c´est très tranquille et souvent écrasé par une chaleur indolente qui arrête toute vie entre midi et trois heures. Et, pendant que la canicule écrase le village, visiter l´église et la cour intérieure du monastère est vraiment reposant car il y fait frais. En plus, nous n´avons croisé que très peu de touristes. Enfin, à Concepción, le village était relativement propre (comparativement aux tonnes d´ordures qui jonchent le sol ailleurs, dans la rue, sur les routes ou dans les champs...). En effet, les habitants semblaient être des champions du monde du balayage devant leur porte. Ils nettoient méticuleusement leur pas de porte, balaient également les tapis et paillassons, mais jettent ensuite les détritus dans la rue, que le vent emporte ensuite au loin... En tout cas, cette ambiance calme et la couleur de la ville, ajouté à la gentillesse des habitants ont rendu notre séjour vraiment agréable.

Nous avons ensuite continué plus vers l´est à San Ignacio de Velasquez, à quelques kilomètres de la frontière brésilienne. Là, c´est plus ambiance "far west"... La proximité du Brésil fait de cette ville une plaque tournante du commerce de toute sorte d´affaires sans doute louches. Certaines autos n´ont pas de plaque d´immatriculation, afin que le chauffeur mette celle qui l´arrange en fonction du pays où il se trouve. San Ignacio est plus gros que Concepción, mais la place centrale a conservé l´église des Jésuites et les couleurs ocres que sa voisine (quand même à six heures de bus...) avait aussi. Et, tout comme à Concepción, les rues sont faites de terre battue orangée super poussièreuse. Inutile de dire qu´au passage d´une auto, d´un bus ou d´une bourrasque, on est mieux de se protéger le visage sous peine d´éternuements multiples... Pour s´abriter de la chaleur, nous sommes allés nous régaler d´une limonade au marché du village, suivi d´un bon almuerzo composé, évidemment, de poulet, riz et frites (nous parlons maintenant du fameux PAP quand nous allons manger : Pollo-Arroz-Papas, qui compose la très grande majorité de nos repas, incluant certains desayunos...) ainsi que d´innombrables mouches qui s´étaient invitées à notre table.

Le lendemain, nous étions dans un troisième village jésuite, à San José de Chiquitos (les Jésuites trouvaient les Indiens tellement petits, que, pour souligner ce trait, ils ne les désignaient pas sous le terme de "chicos", mais de "chiquitos", appelation qui est restée dans quelques villages de la région). Une des originalités de la ville est qu´elle a une gare qui permet de voyager de la frontière brésilienne jusqu´à Santa Cruz. Ici, nous avons pu admirer les travaux de restauration de l´église mais surtout des appartements des officiels espagnols (gouverneurs, généraux) qui ont laissé la trace de leur passage au fil du temps. Chacun voulant témoigner de son passage et de son époque, des couches de peinture se sont empilées, et, grâce au travail de passionnés de San José, les peintures murales sont exposées et entretenues. On y voit des Jésuites prêchant auprès des Indiens, le portrait d´un gouverneur espagnol, des soldats napoléonniens défilant, et des peintures de soleil, de végétaux, le tout dans un style naïf mais efficace. L´ensemble, peint sur de la chaux, donne un résultat hallucinant, surtout que nous avons eu droit à une visite passionnée de notre ami français, Pierre.
En effet, après notre arrivée à San José de Chiquitos, nous nous sommes retrouvés à manger une glace dans un restaurant appelé Sabor y Arte en suivant le gré de nos pas. Nous y avons rencontré un restaurateur (pour ne nommer que cette facette de sa vie) français, Pierre Martinez. Il est marié à une charmante Bolivienne (pour ne pas dire la Grace Kelly de la Bolivie), Patricia. Dès l'instant où il a entendu notre accent espagnol, il a imméditement entamé la conversation en nous parlant de sa région. Pierre, même s'il est Français d'origine, est plus Bolivien qu'il n'en a l'air. Il voue à sa terre d'adoption un amour qu'il désire partager avec le plus d'étrangers possible. La discussion tombe vite sur l'article d'Éric Clément paru dans La Presse au mois d'avril dernier. Cet article nous avait tout de suite donné l'envie d'aller visiter cette région de la Bolivie. Quelle surprise, Pierre est celui qui a fait, entre autres, visiter au journaliste la région lors de sa venue. Il propose donc de nous faire visiter l'église le lendemain matin, en plus de nous donner de bons conseils sur le coin. Ce soir-là inutile de dire que nous avons fermé le restaurant avec Pierre après avoir terminé nos glaces, bu de la bière et surtout goûté à son délicieux fromage. Le lendemain matin, Pierre est au rendez-vous comme promis. Il doit cependant faire une commission avant de nous faire visiter l'église. Il nous invite à l'accompagner. Nous montons dans sa camionnette en direction de la gare, il doit aller acheter son billet de train (Pierre fait également partie du comité organisateur des différents festivals de théâtre et de musique de la région). Tout au long de la balade, il nous explique la mentalité bolivienne, les traditions, les coutumes, l'organisation sociale, etc. Nous faisons un dernier arrêt à la quincaillerie d'un de ses amis. Ce dernier arrêt sera en fin de compte la grande partie de notre matinée. Après les présentations, nous sommes invités à la maison de son ami. Nous allons enfin voir une vraie maison bolivienne (celles que nous avons vues sont en fait, des maisons-hôtels donc pas très représentatives) ! On nous sert le café et la discussion s'oriente sur les affaires de Pierre. Il est en train de bâtir un projet de wwoofing - Willing Worker on Organic Farms - avec son ami. Nous partons donc voir les travaux de construction de cet "hôtel" nouveau genre sur les terres de son ami (Pierre attend une quinzaine de journalistes de tous les pays la semaine suivant notre départ afin de leur présenter leur projet). Nous visitons donc le futur immeuble, mais surtout l'immensité des terres agricoles de la propriété et les inombrables troupeaux de vaches. Le tout agrémenté des commentaires et de Pierre et de son ami. À la fin de l'avant-midi, Pierre doit retourner au village chercher son fils à l'école. Nous avons donc droit à une visite de l'église en compagnie, probablement, du plus grand admirateur de la région qui soit. En terminant la visite, Pierre nous invite chez lui en milieu d'après-midi afin que nous échangions nos courriels respectifs. Une fois chez lui, nous sommes accueillis par sa femme et son fils dans une maison qui respire la vie, le bonheur et la nature. Pierre nous fait goûter son miel (il a une quinzaine de ruches si ce n'est pas plus chez lui), nous fait le tour de sa propriété en nous donnant encore une fois de judicieux conseils sur la Bolivie, mais aussi l'Amérique du Sud au complet. Cette rencontre a donné une saveur locale, bien précieuse à nos yeux de touristes désireux d'en apprendre davantage sur cette région orientale de la Bolivie.

Sous les conseils de Pierre, nous avons prolongé notre visite en partant de nouveau vers la frontière brésilienne, à Santiago de Chiquitos, village reculé. Si l´église était nettement moins étincelante que celles des trois villages précédents, le village a valu la peine pour son environnement et pour la rencontre que nous avons faite avec Milton, un ancien professeur américain devenu producteur laitier, au look hippie, installé en Bolivie depuis plus de quarante ans.
Une montagne surplombe le village de Santiago, et son ascension vaut vraiment le détour, surtout pour la vue qu´offre son mirador. Après deux heures de marche et de grimpette, nous sommes donc arrivés en haut de la montagne qui surplombe le village, mais aussi la pampa, d´un autre versant.



La vue est vertigineuse, et le plateau, au sommet, est recouvert de mousses sèches mais aussi de sortes de menhirs. Quand le vent s´est levé la prise de photos sur le bord des précipices, est presque devenue périlleuse. Mais en tout état de cause, ça en valait vraiment la peine.



Une chose primordiale, pour qui veut aller visiter les missions, est de retirer suffisamment d´argent à Santa Cruz, faute de guichet automatique dans les missions... De notre côté nous nous sommes retrouvés à devoir compter chaque dépense, à réduire le nombre de repas quotidiens (bye bye les desayunos de pollos !) et à dormir dans les chambres les plus spartiates sous peine de nous retrouver sans le sous et de ne plus pouvoir repartir de Roboré où nous attendait le train pour filer à Santa Cruz. À Santiago, notre chambre, qui ne valait vraiment pas cher, se trouvait dans une cour entourée de quelques cordes afin d´empêcher les ânes, les poules, les chiens, les vaches et les chevaux qui traînent en liberté dans le village, de rentrer sur la propriété. Mais il y avait sans doute un trou quelques part, puisqu´une nuit, un âne s´est mis à braire en face de notre chambre, pendant que le chien du gardien lui aboyait après !
Finalement, après près de 1400 km de route dans les missions jésuites, nous avons rejoint Roboré pour prendre le train qui nous ramenait à Santa Cruz. Le train, moins cher que le bus, nous attirait puisque c´était la première fois, depuis la Machu Picchu, que nous le prenions. Le vendeur, à la gare, nous avait vanté le luxe des wagons, le fait qu´il y avait une télé, etc. Finalement, on a surtout eu droit à l´air climatisé pendant les dix heures de trajet, et une température proche de cinq degrés (au maximum !). Tous les voyageurs disparaissaient sous d´énormes couvertures ou plusieurs couches de vêtements, et les éternuements de multipliaient ! Quant au film promis sur la télé, on en attend encore le début ! Bref, une nuit glaciale qui nous a semblé éternelle !
La place centrale de Santa Cruz.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Toujours aussi passionnantes, vos aventures ! Pourquoi vous ne mettez pas des photos des gens que vous rencontrez ? Bisous.

Anonyme a dit…

"En Bolivia, todo es possible, nada es seguro."
"Es mejor perderse que nunca embarcar."
Allez, rendez-vous au Brésil; dommage que mon condor m'ait lâchée, comme vous je vais devoir emprunter les bus bringuebalants, mais je poursuis le voyage avec vous.
Lys,dans son petit village

prie a dit…

de Madeleine
Merci pour cette visite de la Bolivie et en particulier a San Jose de Chiquitos, ou vous avez ete reçu par mon fils Pierre que je n ai pas vu depuis 2005, dommage que vous n avez pas mis plus de photos !..
Je vous souhaite une bonne suite a votre periple. Avec mon mari nous sommes randonneurs, avons fait 13000kms au bresil, sacs a dos, par car. et chaque annee nous parcourons par les chemins, entre 800 et 1300 kms a pieds. bon voyage bientôt