samedi 13 novembre 2010

La dolce vita à Viña

À Talca, sept heures au nord de Pucón, le tremblement de terre de février dernier a fait des ravages. La deuxième secousse du 28 février, qui a suivi celle de Concepción, a ravagé une grosse partie de la ville. C'est ainsi que, arrivant sur les coups de 22 heures, notre première impression fut à la hauteur des ruines de la ville, à savoir assez déplorable. Le bus nous dépose au terminal, assez excentré du coeur de la ville et de l'hôtel que nous avons repéré. Nous décidons quand même de marcher (on en profite pour s'adonner à cette activité, il ne pleut pas et il fait même bon dehors, mais on a nos enclumes sur le dos), et là, on se rend compte que nous sommes certes loin du centre, mais surtout dans un quartier carrément pas touristique, et même super glauque : vieux clochards quéteux, drogués, putes, etc. Ce qui donne au quartier des bus cette allure nauséabonde, c'est aussi que depuis le tremblement de terre, il n'y a quasiment plus de lumières, dehors. Alors c'est très très sombre et très très sordide la nuit.
Nous revenons donc sur nos pas et nous faisons signe à un "remis", sorte de taxi collectif, moins cher, mais plus long à nous déposer à nos quartiers. Nous montons et indiquons l'adresse où nous voulons aller au chauffeur. Lui et son passager avant discutent de l'adresse que nous venons d'indiquer, et ça a l'air super compliqué de s'y rendre, alors que sur le plan que nous avons, ça semble simplissime. Nous lui donnons l'intersection mais même là, il reste en grande discussion avec son voisin sur la façon d'y aller... Il dépose finalement son passager et nous continuons tous les trois. Derrière, nous nous demandons pourquoi c'est si compliqué, mais bon, nous ne sommes pas chez nous, dans notre ville, il y a sans doute des choses que nous ne savons pas. Et, plus nous roulons, plus nous croisons des maisons, des magasins, des hôtels, des restaurants en ruine. Soit il reste la façade, soit il ne reste rien. Ça ressemble à Bagdad à la télé. À un moment, on demande au chauffeur pourquoi c'est comme ça, et là, il nous raconte le tremblement de terre de février dernier. Après les secousses de Concepción, il y a eu une réplique à Talca. Et une grosse réplique. Le temps que notre pilote nous conte son histoire du tremblement de terre (à la fin de sa vie, il en aura des histoires à raconter. Des tremblements de terre, il y a en eu au cours des dernières années dans le coin !) et nous arrivons devant notre hôtel. Enfin, nous arrivons à l'adresse... Et là, rien. On relit l'adresse dans le guide, et oui, c'est bien la bonne. En guise de bienvenue, là où est censé être la porte d'entrée, on peut lire "DEMOLICIÓN" peint en gros. Julie et le chauffeur vont chacun de leur côté voir si l'entrée n'est pas ailleurs, mais non. Notre hôtel s'est bel et bien cassé la gueule... Tout comme beaucoup d'autres, du reste. En effet, le chauffeur nous laisse à un autre hôtel, bien trop cher pour nous, et, vers 23 heures, nous nous retrouvons dehors, le ventre vide et sans abris. Nous appelons d'autres hôtels pour connaître les prix et avant d'en trouver un, nos autres appels sonnaient dans le vide. Nous saurons après, en leur ayant écrit, que les hôtels ont fermé après le terremoto de l'hiver passé. Finalement, nous trouvons de quoi manger et dormir dans un des quatre derniers hôtels de la ville. Notre chambre est lézardée, signe que là aussi, les murs ont tremblé et se sont fissurés.


Le lendemain, nous prenons le pouls de la ville. Celle-ci est organisée avec des rues qui portent des numéros et certaines d'entre elles sont des demi-rues ! La rue "7 1/2" existe, par exemple.

Talca est belle quand il fait soleil, mais nombre de devantures de magasins sont fermées, beaucoup de maisons ne sont que façade. Ça a laissé des stigmates dans la ville, mais aussi chez les gens. Le lendemain de notre arrivée, nous cognons à la porte d'un hôtel pour trouver une chambre moins chère. Une dame est assise à regarder la télé et se lève pour nous ouvrir. Elle semble fantomatiquement blême, dans des vêtements pâles et tristes. Nous lui demandons si elle a une chambre et elle nous répond, d'une voix éteinte et quasi inaudible, que non, elle ne fait plus hôtel depuis février dernier. Nous repartons, et elle retourne s'assoir devant son poste de télé. Le soir, en repassant devant son bâtiment, nous la voyons assise au même endroit, illuminée par la lumière du tube cathodique. Super glauque, comme vision !
Comble de malchance, ce qui reste d'attraction touristique à Talca (vignes, surtout), est fermé la fin de semaine. Alors après avoir visité la ville fantôme, sa gare détruite, ses maisons sur le point d'être rasées, nous décidons de partir dans les environs de Santiago de Chile, à Viña del Mar. Et là, gros coup de coeur. D'abord, il fait super beau ! Du soleil, du ciel bleu, le Pacifique (c'est la première fois que nous le voyons depuis le début de notre voyage), une ville vraiment belle et coquette. Là aussi il y a eu des tremblements de terre. Et celui de février dernier a juste provoqué un... tsunami dans la ville ! Vu la taille des vagues, pas étonnant. Dans la rue, donc, on voit des panneaux indiquant aux gens où se diriger en cas de vagues énormes. Mais la ville n'a pas de séquelles apparentes. On le sait par ce que nous en ont raconté les gens. Dans la ville voisine de Valparaiso, certains disent que des trottoirs se sont effondrés, s'affaissant d'un mètre par endroits ! Mais on ne l'a pas vu.



Pour revenir à l'océan, il est vraiment déchaîné. Tourmenté comme on aurait aimé le voir dans le sud du pays, au détroit de Magellan. Mais l'eau est bien trop froide. Dommage ! On a quand même vu un gars en wetsuit s'amuser dans les gros rouleaux, mais il était seul et il n'est pas resté longtemps. Autour de lui, volaient d'innombrables mouettes et pélicans. Tous se ruaient sur le sable quand les vagues s'en retiraient pour aller chercher leur repas.



Viña del Mar, surnommée la Ciudad jardin (la ville jardin) offre de nombreux parcs dans et autour de la ville : un grand jardin botanique, une vaste lagune, un parc en pleine ville (le Parque Quinta Vergara avec ses animaux faits en plantes vertes) et même une horloge en fleurs, comme à Ottawa. Nous nous en sommes donné à coeur-joie d'autant qu'il faisait super beau. La ville a aussi un super musée (le musée archéologique Francisco Fonck), repérable grâce à la statue maori à son entrée. Et dedans, on apprend comment réduire des têtes, comme le faisaient les Jivaros. C'est super intéressant et on voit même des mini-têtes... Pour le reste, ce ne sont qu'insectes, larves, serpents, papillons, et animaux empaillés (dont un agneau à deux têtes...), et la visite en vaut le coup.




Côté bouffe, Viña est la capitale des doñas azucar, des viennoiseries fourrée d'une crême pâtissière hyper bonne et qui ne sont vraiment pas chères. Tout le monde en mange. Et pour savoir qui en mange, ce n'est pas compliqué, il suffit de voir si les gens ont des traces de sucre glace sur eux. Le dessus du chausson en est parsemé... Il en existe aussi au chocolat qui sont très bonnes. Bref, une ville pour les dents sucrées !

Quant à Vilparaiso, c'est très pratique de s'y rendre depuis Viña. Plein de colectivos s'y rendent puisque les deux villes se touchent. Viña est la sage et ordonnée banlieue de la bohême et artistique "Valpo". Le colectivo 612 permet de passer par les innombrables cerros (des buttes qui séparent les deux villes et qui entourent aussi Valpo) de Valparaiso et donc de traverser ce qui ressemble à des quartiers plus pauvres. Des toits de toutes les couleurs, des maisons en bois qui menacent de s'écrouler et des rues à pic, voila ce que nous avons vu depuis le petit bus. Quand on est dans le coeur de la ville, en bas, on peut monter sur les cerros grâce à d'antiques ascenseur style Montmartre, en bois et fer, qui donnent l'impression qu'ils vont s'écrouler au moindre coup de vent. Mais bon, ils ont résisté à des tremblements de terre et à des tsunamis, alors ça en dit long sur leur solidité.




Certains objets témoigent du passé du Chili, en particulier de celui sous le règne de Pinochet. On ne voit rien de ceux qui l'ont combattu, mais ceux qui l'ont aimé en gardent des souvenirs. Ainsi, à Ancud, sur l'île de Chiloé, le propriétaire d'un hôtel (un ancien policier) où nous avions dormi avait affiché une lettre que le général lui avait envoyé. En gros, le gars avait dû écrire à Augusto Pinochet après qu'il a été démis de ses fonctions pour lui dire combien il avait apprecié son travail de dirigeant. Et Pinochet avait répondu qu'il était ému de cette lettre et qu'il était en même temps fier de ce qu'il laissait au Chili. Puis, à Talca, c'est une photo de Pinochet avec le propriétaire de notre hôtel. Tous les deux dans la rue, au milieu d'autres personnes. Dans les deux cas, les témoignages étaient encadrés et en évidence sur le mur.

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