lundi 14 février 2011

Le Laos sur un air connu

Nous nous doutions que rejoindre le Laos depuis Hué, au Vietnam, serait du sport. Ce fut de la haute voltige. Le genre de journée que l'on souhaite à personne. En route vers la galère. Notre premier bus était censé partir de Hué (à 6 h du matin depuis notre hôtel) et nous mener à la frontière laossienne (à Densavanh) en quatre heures. Ensuite, nous prenions un second bus pour Savannakhet. Selon notre guide de voyage, nous en avions ensuite pour 6 à 8 heures supplémentaires. Bref, une journée complète dans les transports. À 6 h nous sommes devant l'entrée de notre hôtel pour attendre notre pick-up. Un couple vient nous chercher en motorbike (avec 10 min de retard) et nous montons à l'arrière de leurs engins pour rejoindre un point de rencontre en ville. Or une minute avant de quitter l'hôtel, un nouveau receptionniste prend la place de l'ancien. Quand il arrive, il nous demande le numéro de la chambre que nous occupions. Nous lui donnons et il nous demande si on a payé. Nous lui repondons par l'affirmative (ce qui est vrai, nous le jurons !). Il vérifie dans ses livres et prend un temps fou avant de nous répondre quelque chose qui laisse entendre que c'est OK et que nous pouvons y aller. Le "hic", c'est qu'il se met à vérifier alors que nous sommes sur les porte-bagages de nos chauffeurs qui trépignent d'impatience pour partir. Alors nous avons pris la liberté d'écouter ses recherches et lui avons dit "Au revoir" et sommes partis. Nous l'avons laissé dans ses recherches. Nous, nous sommes pressés, nous avons un bus qui nous attend. Nous arrivons à l'endroit où le bus doit venir nous chercher. Nous attendons encore 20 longues minutes. Finalement, il arrive... et ce n'est pas un gros bus comme nous l'avions demandé mais une van pouvant contenir 15 personnes au maximum (d'après les numéros de sièges). Nous embarquons et sommes placés a l'arrière (derniere banquette) puisque la van est deja pleine. Nous avons les genoux sous le menton et les heures de voyage qui s'en viennent s'annoncent difficiles. Et c'est alors qu'apparaît... le réceptionniste de notre hôtel ! Il est venu nous chercher jusque dans le bus puisque dans ses registres nous n'avons pas payé. Il nous accuse d'être partis sans payer, devant tous les autres passagers ! Wow, on a le rôle des escrocs blancs, c'est cool. Au Vietnam nous avons très rarement eu de reçu (mais s'ils ne savent pas administrer leur business, ce n'est pas à nous de payer pour leur incompétence). Nous commençons à lui jurer que oui, nous avons payé, mais très rapidement, la discussion tourne en rond. Toujours les mêmes questions, toujours les mêmes réponses. Et ce qui devait arriver arriva. Le ton monte de notre part. Même confinés au fond du bus, tout recroquevillés, nous ne nous laissons pas faire et protestons vigoureusement. Avec tout ça, le bus, déjà en retard, l'est encore plus, mais personne ne semble dérangé par ce spectacle. Le gars appelle alors un de ses collègues de la réception au téléphone qui vérifie nos dires, lui aussi. Maintenant, nous parlons avec le gars au téléphone, et là encore, c'est le même texte qui se dit. Extraits traduits :
- Vous avez vraiment payé ? (on a adoré le "vraiment" de la question, qui fait tout le charme du sous-entendu...)
- Oui, on a payé en cash lors de notre arrivée à l'hôtel.
- Ah. Mais à qui avez-vous payé ?
- À un gars qui parlait un peu le français et qui nous a accueillis à notre arrivée.
- Ah. Et vous avez payé cash ?
- Oui.
- Ah. À la réception ?
- Oui. (Là, on s'énerve de nouveau, alors pour éviter toute nouvelle question, on sort une phrase qui résume tout et qui est censé éviter toute question supplémentaire) Oui, on a payé cash à notre arrivée à un gars qui était à la réception et qui parlait un peu le français.
- Ah. Vous avez vraiment payé ?
- Oui...
Etc., etc., etc. En public, nous avons offert un super spectacle. Après deux ou trois boucles de cette discussion, nous redonnons le téléphone à notre poursuivant. Et, à un moment donné, après 15 minutes, il repart sans rien nous dire. Et la van fait de même. On pense qu'il a finalement dû parler avec quelqu'un qui se souvient de la transaction. Nous faisons ensuite un deuxième arrêt pour prendre du monde, et le gars revient nous harceler. Même speech, même dialogue de sourd. Même chose ! Pareil ! On reparle avec le même gars au téléphone, ou un autre, on ne sait plus, pour répéter les mêmes platitudes (avec une voix de plus en plus énervée). Nous redonnons le combiné à notre harceleur qui reçoit un texto peu après. Il sort alors du bus et nous fait un bye bye de la main. Il ne nous dit pas si finalement nous avons payé ou si nous n'avons pas payé. Mais nous pouvons repartir. On a juste envie de sortir un bruyant "Tabar..." et de briser la van... Mais notre chauffeur va le faire pour nous, ça.


Nous poursuivons notre voyage très à l'étroit. En cours de route, nous embarquons cinq autres personnes et sommes maintenant vingt dans une van pouvant en contenir quinze ! Puisque nous sommes situés à l'arrière, dès qu'il y a une bosse, nous la ressentons puissance 15. Et nos gros sacs, qui sont derrière nous, dans un coffre de misère qui ferme grâce à une ficelle, menacent de nous tomber dessus à tout moment. Nous sommes quatre à l'arrière. Très à l'étroit. Nous nous arrêtons chaque dix minutes pour acheter quelque chose, pour quelqu'un, pour mettre de l'essence, etc. Justement, en sortant de la station-service, nous roulons sur une bosse et un bruit peu rassurant se fait entendre. Tout le monde se rend alors compte que notre van roule de travers, que le côté droit est plus bas que le haut. Wow ! C'est vraiment notre journée ! Nous nous arrêtons au garage voisin pour découvrir que la suspension vient de se briser. Bref, pour faire court, notre chauffeur est parti chercher la pièce nécessaire pour la remplacer sur une moto que le garagiste lui a prêtée. Nous sommes restés dans ce garage, au milieu d'une route hyper passagère pendant deux heures. De temps en temps, des bus super confortables nous passaient devant, avec destination finale, le Laos ! Grrr... Le garagiste a aussi changé une roue à l'arrière car le pneu était mou. Bizarre, non ? Vingt personnes dans un bus pour quinze, avec trop de bagages (dans le coffre, on transportait un compresseur, des sacs en tout genre, des barres de métal). Finalement, nous avons repris la route, à dix-neuf, car une des passagères est repartie sur la moto d'une de ses amies, entre temps. L'attente a dû lui sembler interminable.


Arrivés à la frontière quelques heures plus tard, deux personnes en moto viennent nous chercher. Nous montons derrière eux et ils nous mènent à la douane vietnamienne. Là, tout se passe bien. On est entourés d'une foule de personnes asiatiques qui passent comme nous la douane, mais eux ont mis des billets dans leur passeport. On ne sait pas trop pourquoi, mais ils les plaçaient très visiblement, si bien qu'on peut dire que le métier de douanier est très payant au Vietnam (lors du passage de la douane laossienne, ce fut la même chose, les passeports étaient tous l'hôte d'un billet). À la sortie de la douane vietnamienne, la chauffeuse de Julie avait disparu et celui de Guillaume nous tannait pour qu'on se dépêche. Il voulait nous mener séparément à la douane laossienne. On a refusé, il a fait la gueule et nous a dit "Walking !" et est parti devant nous sur sa moto. Finalement, nous marchons ensemble jusqu'à la frontière. Sur place, c'est le chaos total. Pas de ligne d'attente, tout le monde pousse tout le monde. Finalement, nous obtenons notre visa (qui nous coûte beaucoup plus cher que prévu : Julie, 45 $ au lieu de 25 et Guillaume 35 au lieu de 25, mais au moins, le visa est beau et brillant à souhait. Le douanier avait une table avec le prix des visas selon le pays d'origine). Il nous manque de l'argent, alors on paie la moitié en dollars, l'autre en dongs vietnamiens. Mais on a nos visas, puis nous retrouvons notre chauffeur de moto qui prend nos passeports et se jette dans la cohue pour donner nos passeports aux douaniers. Cinq minutes après, nos passeports sont tamponnés. Les douaniers ne nous ont jamais vus tant il y avait de monde.


N'importe quoi ! De là, nous rejoignons le deuxième bus, celui qui nous mène à Savannakhet. Surprise de taille, puisque c'est un bus des années cinquante (au mieux), sans air climatisé et sans soute à bagages (on met nos bagages sur le toit du bus, où sont placés des centaines de cartons, des bagages en tout genre, une mobylette, etc. Le bus est plein à craquer. Pas "plein", mais "suprabondé". Une fois dedans, nous n'avons de choix que de passer le voyage debout. Six à huit heures debout sous la canicule, c'est long ! Finalement, un des gars du bus nous donne un petit tabouret bleu pour que nous puissions nous asseoir au milieu des deux rangés de sièges. Pas de dossier, pas de confort et il nous reste un long trajet à faire et autour de nous, les gens fumaient, se raclaient le fond de la gorge pour ensuite cracher (au mieux par la fenêtre, mais souvent par terre). Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, des locaux et d'autres touristes (dont un Anglais de près de deux mètres qui ne sait pas comment se placer) le sont aussi. On a passé la majorité du temps sur nos tabourets bleus. Les maudits tabourets bleus, plutôt. Quelques heures plus tard, après 253 arrêts (on a calculé que le bus s'arrêtait parfois toutes les trois minutes, pour prendre ou débarquer quelqu'un, pour la pause pipi, pour éviter des vaches au milieu de la route, etc.), nous avons eu un siège. Il restait une heure de voyage. En regardant par la fenêtre, on voyait des détritus partout sur le bas-côté de la route ; dans le bus, les gens jetaient leurs déchets par la fenêtre. Ça nous a tellemnent rappelé la Bolivie, polluée de sacs en plastique un peu partout, au milieu de paysages qui pourraient être superbes. Quel dommage.


Finalement, nous sommes arrivés en pleine nuit. Nous avons pris un lit dans la chambre "Super VIP" d'un hôtel sur les bords du Mékong pour oublier cette journée apocalyptique qui nous mettait de bonne humeur pour commencer le Laos (c'est à ce moment qu'on s'est rendus compte que s'embourgeoiser était chose plus aisée ici que chez nous. Se payer un hôtel chic ne coûte rien, de même que manger dans un bon restau. On s'y fait vite, et on est rapidement attirés par tout ce qui est signalé "VIP").


Savannakhet n'avait rien à nous offrir de beau, alors nous sommes partis à Paksé, à quatre heures au sud en bus. Avant de prendre le bus, on a bien demandé si on avait des sièges assis. La vendeuse nous répond que oui, pas de problème. Le trajet devait durer quatre heures, il en a duré six. Et si nous n'étions pas montés dans le bus dès l'ouverture des portes, nous n'aurions pas eu de siège assis. Quand le bus est parti, l'allée centrale était pleine de gens assis sur les fameux tabourets bleus. Mais nous étions assis et nous allions enfin pouvoir monter sur des éléphants, but de notre voyage dans le sud du pays.


Paksé est une ville sans grand charme (des routes en terre battue et pas mal de moustiques), mais elle est le point de départ pour rejoindre la région des éléphants, dans les environs du plateau des Bolovens et de Champassak. Alors plutôt que de refaire du bus pour aller dormir au milieu des pachydermes, nous avons pris une excursion depuis Paksé (pour faire deux heures d'éléphant). Et notre guide était vraiment gentil et super drôle. Nous sommes donc allés à Ban Khiet Ngon avec lui et, là, nous attendait la plantureuse Kantal, trente ans (mais pas toutes ses défenses, il lui en restait une moitié).
Nous sommes montés sur son dos pendant deux heures, avec un "pilote" d'éléphant qui était sur sa tête (on ne doute pas une minute que notre ami(e) Bibi aurait aimé être avec nous). On pensait que ça allait tanguer, nous donner le mal de mer (ce qu'on avait lu), mais pas du tout. Kantal allait super lentement. On a cru qu'elle était paresseuse, car dans les montées elle avait du mal à avancer. Ou pas envie, on ne sait pas. Mais de tout en haut, on a pu voir sa peau super épaisse avec quelques poils et contempler le paysage (un peu jauni par la sécheresse il est vrai). On a rejoint un plateau en haut de la montagne où se trouvent des pierres qui délimitent un cirque ancien. C'était cool à faire. La vue de tout en haut était vraiment belle, donnant sur les vallée avoisinantes. Le seul hic à noter, c'est que quand on a demandé à un type du village de nous prendre en photo, il l'a fait (plusieurs fois), mais à chaque fois, il nous a coupé la tête (ou alors les photos sont floues) ! Résultat, on a peu de photos de nous sur l'éléphant. On a même pu donner des branches de bananier à Kantal qui a semblé apprécier et a dévoré ça en moins de deux. Avec autant de grâce que quand elle marchait. Car ça, c'est fabuleux. L'animal est énorme, mais quand il marche, il le fait tellement doucement. Au moins, on aura fait de l'éléphant, et tout s'est bien passé.













Après Paksé, nous voulions remonter à Vientiane, la capitale du pays. On a d'abord longtemps hésité : on descend au Cambodge ou on poursuit vers le nord. Vu le prix du visa, on reste au Laos, malgré la peine de ne pas aller à Angkor (mais Julie ne désespère pas de faire un crochet vers les temples cambodgiens quand on terminera notre périple). Pour rejoindre Vientiane, nous y sommes allés en bus de nuit. Nous avons vérifié de nombreuses fois que nous avions bel et bien une couchette pour nous avant d'acheter le billet. Eh bien nous avions même une couchette double ! Un "grand" lit pour deux. Bon, nous, ça va, on se connaît, mais notre voisine, sur sa couchette, a dormi avec une autre fille, une inconnue. On a même eu droit à un petit bol de riz comme souper (le vendeur de billet nous avait dit qu'on avait un "lunch". C'était plutôt un apéritif) et une bouteille d'eau. Le lendemain matin, nous étions à Vientiane.


La ville est plutôt belle. Déjà, c'est plein de cafés. On a pu se gaver de croissants, de chaussons aux pommes et de pains au chocolat pour le déjeuner. On a remangé indien, même (pas une réussite). En ville, il y a même un bowling que nous allons essayer ce soir. Ensuite, dans et aux alentours de la ville, c'est plein de temples anciens ou modernes, mais dans un cadre qui n'a rien à voir avec celui de Paksé. Les routes sont plutôt belles et la ville pas sale. On a ainsi pu louer des vélos pour faire le tour des temples que nous voulions visiter (le Wat That Luang, le Wat Sisaket ou le Patuxai, l'Arc de Triomphe laossien). C'est très facile à faire.














En général, on n'a pas trouvé les gens super chaleureux comme au Vietnam ou en Malaisie. Ils ont le sourire moins facile et souvent, on ne les sent pas motivés à nous parler. À Vientiane, cependant, en se baladant, on a rencontré deux gars qui buvaient une bière, dehors, et qui, répondant à notre "Sabaï dii" (bonjour), nous ont offert de nous assoir avec eux pour boire de la bière. Impossible de communiquer verbalement avec eux (ici, personne ou presque ne parle anglais), mais le langage de la bière étant universel, nous nous sommes faits nos premiers amis laossiens. Ce n'est pas la première fois que nous sommes invités à rejoindre du monde ainsi, mais à chaque fois, c'est la même scène. Ainsi, le chef de la table (en blanc sur la photo) doit expulser de la table des convives pour nous permettre de nous asseoir. Les pauvres qui n'ont plus de sièges sont aussitôt dépourvus de leur verre... qui nous sont remis. Nous héritons du coup de la chaise, du verre et de la bière de ces expulsés, que nous remercions quand nous quittons la table (et à qui nous rendons des verres vides, tout comme le sont leurs bouteilles, du coup).


Nous sommes restés ici trois jours, le temps de récupérer des heures de bus assez nombreuses que nous avons eues dernièrement. Car on se rend compte que faire du bus de nuit nous fatigue plus que le bus de jour (c'est super confortable, mais les couchettes sont petites pour nos gabarits, le bruit du moteur assez peu berçant). Quand on arrive en ville, on passe la journée à dormir. C'est sûr que de faire de nombreuses heures de trajet, comme ça, ne nous manquera pas. Mais bon, nous ne sommes pas à une contradiction près. Demain, nous partons pour Luang Prabang, à dix heures de bus vers le nord.

2 commentaires:

Bibi a dit…

Ouai!! Bibi, il a gagné!! On parle de lui dans les journaux!! Ses amis ne l'ont pas oublié!! Ouai!! Super!!Il est aussi content que s'il était monté sur le dos de la grosse Kantal!! Bibi, il est célèbre, jusqu'au Laos, mais Bibi, il aime pas ce pays, parce que là- bas, on dit que mes grands amis sont des voleurs, et ça, Bibi y sait que c'est pas vrai, alors Bibi crie bien fort:"Il faut être plus gentil avec Guillaume et Julie!!"

lys a dit…

Bon,donc bientôt à Hong-Kong, l'avant dernière étape si j'ai bien lu votre nouveau calendrier. J'espère que le Laos s'est montré un peu plus hospitalier pour la suite du voyage. En tous cas,Kantal, elle, elle a l'air très accueillante!