Nous avons été des témoins privilégiés de l´activité qu´offrent les places centrales de chacuns des villes et villages que nous avons croisés. Souvent baptisées du nom du héros local (Sucré, Luis de Fuentes) ou d´une date significative des batailles des guerres d´indépendance (pointez une date sur un calendrier, et une place portant ce nom existe quelque part dans le pays), ces places sont le théâtre des fanfares, des concerts intimes et autres défilés. Ainsi, à Santa Cruz, un matin de semaine, la fanfare d´une école (comprenant un orchestre d´une vingtaine de musiciens, trompettistes, choristes, tambouristes, etc. mais aussi d´autant de cheerleaders) est restée près d´une heure à interpréter des airs du répertoire classique bolivien (qui avaient l´air classique, vu que les témoins fredonnaient les paroles gaiement), mais aussi la marche de l´empereur dans Star Wars. Et les passants regardaient, captivés, ce bel ensemble (avec une certaine préférence pour les jambes élancées des jeunes señoritas...).
Quelques jours plus tard, à Tarija, le jours de notre arrivée, un concert de guitares a été donné, peu avant midi, à l´ombre des grands arbres de la place centrale. Un superbe concert d´une quinzaine de guitaristes, aux sons très argentins, sous le regard d´une trentaine de témoins, dont nous, et du consul d´Argentine à Tarija. Ce dernier, ainsi que ses amis, avaient l´air enchanté, chantant les grands airs du folklore de son pays.
Enfin, le lendemain, alors que nous déjeunions près du zocalo, ce sont les écoles maternelles et primaires qui défilaient. Sans doute celles de Tarija et de ses environs vu le nombres de niños et de niñas qui paradaient. Mais ils ne défilaient pas simplement. Non, ils étaient tous vétus d´habits "à l´ancienne" : les jeunes filles avaient de larges robes à froufrous bleues, roses ou vertes, des hauts de dentelle et des chapeaux élégants recouvrant leurs cheveux ondulés pour l´occasion. Elles s´abritaient sous des ombrelles, même si la journée était grise. Quant aux petits gars, ils avaient d´élégantes moustaches, des favoris, et portaient, pour certains, des habits traditionnels populaires, et pour d´autres, un costume plus élégant. Ils paradaient tous derrière l´étendard de leur école (un peu comme les écoles de samba de Río, lors du carnaval), au son de la musique jouée par la police de la ville ! Un homme, au micro, annonçait quelle école passait devant lui, et remerciait du coup des sommités municipales pour leur soutien. Ces mêmes sommités que l´on retrouvait dans les rues, en habits militaires, fiers de leur apparence. En effet, la ville fêtait les deux cents ans de sa libération, et tout le monde fêtait depuis quelques jours. Quant aux parents, qui filmaient, photographiaient et pointaient du doigt leur progéniture, de fierté, ils avaient dû se lever aux aurores pour préparer les costumes. Mais quel résultat ! Une fois le défilé terminé, les enfants sortaient du cortège pour retrouver leurs parents. Si certains rentraient chez eux pour fêter (c´est surprenant de voir une petite fille avec sa large robe ou un petit paysan déguisé de sept ans monter sur la moto du père, ça fait un drôle de contraste temporel...), d´autres familles se réunissaient dans un des cafés du coin pour souligner la prestation exceptionnelle du petit, buvant des limonadas et s´empiffrant d´une des merveilles de Tarija, les salteñas...
Notre enthousiasme des papilles, à Tarija, s´est prolongé grâce à une journée passée dans les bodegas du coin. En effet, dans le sud de la Bolivie, on fait du vin ! Et pas de la piquette ! Nous avons donc vadrouillé dans trois vignobles (un vignoble industriel, un semi-industriel et un artisanal) avec un guide bolivien, Carlos, et une famille boliviano-suédoise... (oui oui, ça existe !). Dans chacune de nos haltes, nous avions droit à la dégustation de trois ou quatre vins (du Merlot, du Cabernet Sauvignon, de la Syrah, du Malbec et du Chardonnay) avec du jambon, du fromage local, des biscottes, des olives, etc. Cependant, comme ici c´est l´hiver, nous n´avons vu des vignes que les pieds, sans les feuilles ni les grappes de raisins. Pour conclure la dégustation, les producteurs nous offraient leur "aguardiente" (eau-de-vie) locale. Et ça tape ! Quand il fait 35 degrés dehors et qu´on termine avec du fort, on devient vite euphoriques. Durant 5 heures, nous avons constaté que le vin bolivien est diversifié dans les saveurs qu´il offre, qu´il a une certaine cuisse, et que les 14% d´alcool qui le composent rendent joyeux ! Mais le vin et les saltñas sont à l´image de Tarija : joyeux, multisavoureux, fêtards. Ce fut sans doute un de nos gros coups de coeur de la Bolivie (en haut de la liste des coups du coeur, même...).
Le retour vers La Paz, synonyme de Brésil dans quelques jours, passait par une journée à Sucré, la capitale constitutionnelle de la Bolivie (et n´oublions pas que La Paz est la capitale "tout court" du pays... Ça fait donc trois capitales !), et ville universitaire donc dynamique. Elle a les allures bourgeoises de Santa Cruz (La Paz ressemble à un vaste bidonville comparé à ses deux soeurs) et ses murs blancs rappellent ceux de Tarija l´Andalouse. Nous n´y avons passé que deux journées, avons trouvé des saltenerias et constaté l´incroyable diversité architecturale, preuve de l´histoire mouvementée de la ville. Mais le résultat est vraiment impressionnant. Quant au marché, il offre de multiples couleurs, et, comme la plupart de ceux que nous avons parcourus en Bolivie, il se divise en de nombreuses allées thématiques (légumes, jus, viande, oeufs, quincaillerie, hygiène, etc.).
Avec Sucré, nous concluons donc un mois en Bolivie. Un mois de diversité quotidienne (sauf pour les repas...), à rencontrer des gens chaleureux, passionnés et fiers. Certes, on pourrait s´atarder sur les tonnes d´ordures qui jonchent les routes (à Tarija, la ville fait de gros efforts de ce côté, et la ville est franchement très propre !), sur les feux dans les champs qui se transforment en incendies incontôlables, mais cela pèse bien peu par rapport à la joie d´être des Boliviens qu´ils ont su nous transmettre.
Prochaine étape : le vol TAM Mercosur TZ710 nous menant de La Paz à Río de Janeiro, ce mercredi à 2h30. Bem-vindo ao Brasil !